Le leadership des femmes autochtones sur le territoire
Par Valérie Courtois
Le leadership des femmes autochtones sur le territoire
Les leçons apprises de sa grand-mère ont accompagné l’honorable Ethel Blondin Andrew tout au long de son illustre carrière. « Ma grand-mère était une femme intrépide, qui se mesurait à n’importe qui, a-t-elle déclaré. Elle disait : "N’ayez pas peur, mes filles, personne n’est meilleur que vous". Je suis entrée au pensionnat forte de cette conviction. Ma grand-mère disait : "Tu es aussi bonne que n’importe qui dans ce monde". Ces paroles m’ont suivie, des Nations Unies jusqu’au Parlement.
Ma grand-mère a créé un espace où je me sentais en sécurité. »
Depuis des millénaires, les femmes autochtones sont des leaders, des guérisseuses et des pionnières au sein de nos communautés. Elles prennent soin de nos peuples, de nos terres et de nos eaux. Cette tradition se poursuit avec le mouvement des gardiens d’aujourd’hui.
Deux tiers des 23 propositions d’aires protégées et de conservation autochtones mises de l’avant par l’ILA et ses partenaires sont dirigés par des femmes;
Près de la moitié des quelque 80 programmes des gardiens autochtones en activité au pays sont aussi dirigés par des femmes.
Nous menons les efforts visant à honorer nos responsabilités envers le territoire, et cette forme d’intendance rend nos nations encore plus fortes.
Pour accomplir cette tâche importante, nous nous tournons vers nos grands-mères, nos tantes, nos mères, nos sœurs et nos amies. Je m’inspire de ma grand-mère, Albertine Gill Courtois, née en 1917. Au pensionnat, il ne lui était pas permis de poursuivre ses études au-delà de la cinquième année. Elle a alors décidé de refaire ses années d’études, cinq fois plutôt qu’une! Elle a ensuite choisi d’enseigner parce qu’elle adorerait apprendre. Plusieurs années plus tard, elle est devenue la première travailleuse sociale de la Nation innue. Elle était petite mais puissante, et je puise ma force dans sa force.
Ethel et moi avons parlé de nos grands-mères lors d’une conférence récente sur les femmes autochtones qui veillent sur les terres et les eaux. Intitulée The Trailblazers of Conservation, cette conversation a donné le coup d’envoi à une série de discussions sur le leadership des femmes autochtones, organisées par l’organisme Conservation Through Reconciliation, la IISAAK OLAM Foundation et l’Initiative de leadership autochtone. Voici quelques-uns des thèmes abordés.
Apprendre des autres femmes
De nombreux participants ont confié avoir appris à veiller sur les terres et les eaux grâce aux femmes qui les entourent. Bev Sellars, auteure, historienne, ancienne cheffe de la Première Nation Xat’sull et leader principale de l’ILA, a raconté les étés passés sur le territoire avec sa grand-mère dans les années où elle fréquentait un pensionnat. Ses valeurs et ses enseignements sur l’importance de nettoyer les lieux après la pêche ou de ne chasser que pour se nourrir sont restés gravés dans la mémoire de Bev. « On apprend ces leçons lorsqu’on est jeune, et on s’en souvient lorsqu’on devient une leader. »
Bev s’inspire également de Berta Caceres, une femme lenca du Honduras. Elle a été assassinée parce qu’elle militait pour l’environnement et la justice sociale. La communauté de Bev a souffert des répercussions de l’exploitation minière non surveillée. Elle a rappelé à l’auditoire que les défis auxquels Berta a été confrontée en Amérique latine existent également au Canada. Les femmes autochtones se lèvent pour protéger leurs terres et leurs communautés. « Je suis Berta, dit Bev. Vous êtes Berta. Nous devons toutes être Berta. »
Intendance et identité
Les femmes sont souvent au cœur de la transmission du savoir dans nos communautés, et plusieurs leaders ont parlé de leur rôle pour assurer la pérennité des liens qui se tissent entre le territoire et l’identité. Stephanie Thorassi est directrice de la Seal River Watershed Alliance (Alliance du bassin versant de la rivière Seal). Dans les années 1950, contraints de monter à bord d’avions, les membres de sa communauté de Sayisi Dene ont été relocalisés de force à Churchill, où beaucoup d’entre eux ont été confrontés au racisme systémique, à une pauvreté accablante et à la mort.
« Je pense aux femmes qui nous ont précédées et qui ont accompli tout ce travail, pour que nous puissions tenir bon malgré les horreurs que nous avons vécu comme peuple et adhérer à nos cultures et à nos langues », a déclaré Stephanie. Je crois qu’il est de mon devoir de faire connaître les projets emballants que nous mettons de l’avant pour protéger le bassin versant pour les générations futures. »
La gardienne Amberly Quakegesic a expliqué que, même si elle n’a pas grandi dans sa communauté, elle est entourée de femmes autochtones fortes qui œuvrent avec elle au sein du programme des gardiens Wahkohtowin. « J’ajoute des cordes à mon arc et j’essaie d’apprendre à connaître ma culture. Récolter des bouleaux, construire des canots. Ce type de connaissances est très pertinent et important, et il m’a donné la force d’offrir et de faire vivre plus de possibilités aux jeunes de ma communauté. »
Guidées par l’amour du territoire
L’amour est l’une des valeurs que les femmes autochtones insufflent à la conservation : l’amour que l’on porte à nos familles, à nos communautés et au territoire. Marilyn Baptiste a été cheffe de la Première Nation Xeni Gwet’in et titulaire du prix Goldman pour son rôle dans l’arrêt des activités d’une mine de grande envergure sur leur territoire traditionnel. Ses durs combats contre l’industrie minière puisent leur origine dans un sentiment d’amour. « Vivre en harmonie avec le territoire : voilà la forme d’amour que je connais. C’est très profond et ça contribue à notre guérison. »
Nous remercions toutes les femmes autochtones qui partagent courageusement leur amour et leur leadership pour le bien de nos territoires et de nos générations futures.