Les nations autochtones bâtissent des économies fondées sur la conservation
Par Frank Brown
16 novembre 2022
Depuis des décennies, les Premières Nations de la côte du Pacifique sont à l’avant-garde de la protection des terres et des eaux. De Gwaii Haanas à la forêt pluviale de Great Bear en passant par Gitdisdzu Lugyeks, nous nous sommes inspirés du savoir et des lois de nos nations pour créer des aires protégées et assurer la survie du saumon, du hareng et d’autres animaux. Nous avons également travaillé dur pour que ces nouvelles aires protégées soutiennent nos communautés. Nous bâtissons des économies fondées sur la conservation qui assurent la subsistance des personnes et du territoire.
Ce modèle gagne en importance. En décembre, les pays du monde entier se réuniront à Montréal, comme ils le font une fois tous les 10 ans, pour mener des négociations sur la conservation de la nature. Et en février, des délégués internationaux viendront à Vancouver et mettront l’accent sur la protection marine. En prévision de ces rencontres, le Canada s’est déjà engagé à protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030.
Les nations autochtones joueront un rôle essentiel dans la réalisation de l’objectif 30x30. Mais la conservation dirigée par les autochtones ne se limite pas à l’atteinte de cibles.
Comme peuples autochtones issus du territoire, nous vivons sur ces terres 365 jours par année. Nous devons tenir compte non seulement de l’intégrité écologique des terres et des mers, mais aussi de la durabilité sociale et économique. Nous tenons compte de la façon dont les gens continueront à vivre au sein des communautés et à subvenir aux besoins de leurs familles lorsque l’exploitation minière ou forestière ne sera plus autorisée. Nous envisageons des alternatives.
Les activités fondées sur la conservation, comme l’écotourisme, offrent des occasions économiques fondées sur l’intendance autochtone. Nous travaillons à la création d’entreprises écotouristiques appartenant à des Autochtones, guidées par des valeurs autochtones, gérées par des Autochtones et qui mettent en œuvre des politiques établies par des Autochtones. Nous voyons cela comme une expression de la nationalité autochtone et d’une forme d’autodétermination.
Nous y voyons également un moyen d’accueillir les gens sur nos territoires. La relation invité/hôte est importante dans nos cultures, et nous la considérons comme réciproque.
Les gens veulent visiter les aires protégées et de conservation autochtones en respectant l’éthique de la communauté et sans avoir l’impression d’être là pour prendre quelque chose. Nous voulons partager notre histoire et notre culture et fournir des informations de base aux visiteurs. Nous pouvons créer des opportunités gagnant-gagnant pour que les visiteurs vivent des expériences magnifiques et enrichissantes sur la terre et sur l’eau, et pour que les membres de la communauté bénéficient des retombées économiques de ces activités.
Mais nous devons être mieux préparés.
De plus en plus de communautés autochtones achètent des entreprises écotouristiques liées à la pêche sportive, à l’observation de la nature et aux pavillons pour les séjours en kayak. Cependant, nous manquons de capacité dans les domaines des opérations, des finances et du marketing. Pour tirer pleinement profit de ces occasions de développement économique, nous devons préparer les gens à gérer ces actifs.
C’est pourquoi le conseil tribal Heiltsuk s’est associé à l’ Université de l’île de Vancouver et au North Island College pour élaborer un programme d’éducation à l’écotourisme autochtone, un programme de sept mois destiné aux étudiants des Premières Nations côtières. Chaque mois, les étudiants et les professeurs se sont rendus dans une nouvelle communauté offrant une forme ou l’autre de tourisme autochtone. Le fait de se rendre dans les communautés a permis d’interagir avec des propriétaires, des opérateurs et des entrepreneurs du secteur touristique local qui ont volontiers partagé leurs connaissances et contribué à élargir les réseaux pour tous les participants.
Nous avons récemment rédigé un rapport partageant certains des enseignements tirés de ces rencontres. Intitulé Enhancing Community Capacity and Evaluating Place-Based Pedagogy in Indigenous Tourism, le rapport a été produit en collaboration avec l’Université de l’île de Vancouver, le North Island College, le conseil tribal Heiltsuk et l’Initiative de leadership autochtone.
Notre intention, avec ce rapport, est de tirer parti des connaissances accumulées et de les partager avec d’autres nations qui sont engagées dans un parcours similaire.
Les initiatives de conservation doivent profiter aux communautés autochtones. L’époque où les priorités et les programmes étaient imposés à notre peuple est révolue. Au lieu de cela, nous ouvrons un dialogue fondé sur une vision dans laquelle les communautés disposent des ressources nécessaires pour faire le travail qu’elles ont elles-mêmes choisi d'accomplir.
Comme l’a indiqué un membre de la communauté dans le cadre de nos recherches, « le tourisme est un moyen non seulement de soutenir notre économie, mais aussi de soutenir, de revitaliser et de gérer nos territoires. C'est une façon d’avancer dans la vérité et la réconciliation et d’investir dans nos jeunes ».