Les Premières Nations du Dehcho créent une aire protégée autochtone qui permet au Canada de se rapprocher de ses objectifs en matière de conservation
Par Valérie Courtois
À l'ouest de Yellowknife, une vaste étendue d’épinettes noires, de lacs de tête et de territoires de caribous bénéficie de nouvelles mesures de protection grâce au leadership des Premières Nations du Dehcho. En juillet dernier, elles ont adopté une loi dénée afin de permettre la création de l’aire protégée d’Edéhzhie. Cette semaine, les leaders du Dehcho ont tenu une cérémonie de signature en compagnie de la ministre d’Environnement et Changement climatique, Catherine McKenna, afin de désigner cette zone « aire protégée du Dehcho et réserve nationale de faune ».
Plus de 14 200 kilomètres carrés de terres et d’eaux de la forêt boréale sont maintenant protégés au bénéfice du peuple du Dehcho et de tous les Canadiens.
Cette entente marque l'établissement de la première aire protégée autochtone depuis que le gouvernement du Canada a lancé son plan d’action visant à protéger au moins 17 % des terres et des eaux douces d’ici 2020. Grâce à Edéhzhíe, le Canada se rapproche de cet objectif. De nombreuses autres nations autochtones travaillent à la création de leurs propres aires protégées autochtones afin de protéger davantage de caribous, d’orignaux, de plantes médicinales, de cours d'eau et d’autres ressources précieuses.
« La création d’Edéhzhíe est une source d’inspiration, et pas seulement pour les peuples des Premières Nations. C’est inspirant pour tout le monde », affirme Dahti Tsetso, qui dirige le programme des gardiens K’éhodi du Dehcho.
Soucieuses d’honorer leur responsabilité culturelle envers le territoire, les Premières Nations du Dehcho œuvrent depuis plus de 20 ans à la protection d’Edéhzhíe. Lors de la cérémonie de signature, des aînés ont déclaré qu’Edéhzhíe était considéré comme la corne d’abondance de la région du Dehcho en raison du grand nombre de caribous, d’originaux, de poissons et de sauvagines qu’on y trouve. Même lorsque le gibier se faisait rare dans la vallée du Mackenzie, les Premières Nations du Decho savaient qu’elles trouveraient à manger dans les forêts, les milieux humides et les lacs d’Edéhzhíe.
Pour les peuples du Dehcho, cet endroit est très important sur le plan culturel et identitaire. En veillant sur ce territoire, ils préservent leur mode de vie pour les générations actuelles et futures.
Cette nouvelle aire protégée sera gérée dans le cadre d’un partenariat entre le Service canadien de la faune et les gardiens autochtones K’ehodi du Dehcho. Les gardiens autochtones sont les « mocassins et les mukluks », ou les « les yeux et les oreilles » de la nation sur le territoire. Ils possèdent le savoir traditionnel, connaissent les protocoles culturels et ont reçu une formation scientifique occidentale. Des études révèlent que chaque dollar investi dans les programmes des K'ehodi du Dehcho et d’autres programmes des gardiens autochtones des T.-N.-O. génère 2,50 $ en retombées sociales, économiques, culturelles et environnementales.
Comme l'explique Dahti Tseto : « Ce programme s’inspire d’un adage issu de notre culture : ‘‘Vivre sur le territoire à la manière des Dénés, c'est veiller sur lui’’. Les gens reconnaissent de plus en plus que le peuple des Dénés vit sur ces terres depuis des temps immémoriaux et qu’il a toujours veillé sur ce territoire et sur les gens qui s’y trouvent selon les lois des Dénés. Il faut simplement continuer dans cette voie ».
Les Dénés ne sont pas les seuls à agir. Partout sur ce territoire aujourd’hui appelé le Canada, j’ai visité des communautés et des nations autochtones qui veillent sur le territoire à l’aide de protocoles et de lois ancrés dans la culture et d’approches novatrices. Les peuples autochtones de Déline, Misipawistik, d’Eeyou Istchee et plusieurs autres cherchent à créer de nouvelles aires protégées autochtones qui permettront de préserver les pratiques et protocoles culturels des communautés et de protéger les animaux, les plantes, les réservoirs de carbone et l'eau propre au bénéfice de tous.
Ces nations autochtones sont prêtes à travailler en partenariat avec le Canada pour atteindre l’objectif de protéger au moins 17 % des terres et des ressources en eau douce d’ici 2020.
Le Canada s’est engagé à atteindre cet objectif en 2015 dans le cadre des efforts internationaux visant à freiner le rythme alarmant auquel disparaissent les espèces animales et végétales. Les peuples autochtones sont témoins de cette réalité au quotidien : Au cours de ma propre vie, ma nation innue, ce « peuple du caribou », a vu la taille du troupeau de la rivière George passer de 800 000 au début des années 1990 à moins de 5 500 aujourd’hui.
La protection d'endroits comme Edéhzhíe est notre meilleure chance de préserver le caribou et d'autres animaux pour les générations à venir. Les peuples autochtones sont à l'origine de bon nombre de ces avancées. En reconnaissant le leadership des peuples autochtones et les instruments juridiques qu’ils proposent pour gérer les aires protégées autochtones, les gouvernements peuvent aider le Canada à devenir un leader mondial en matière de conservation.
Comme l'a dit Jonas Antoine, un aîné du Dehcho, à propos d'Edéhzhíe, « ce sera un cadeau pour l'avenir ».