La conservation dirigée par les Autochtones en Australie et au Canada
INITIATIVE DE LEADERSHIP AUTOCHTONE
Le Canada s'est engagé à conserver au moins 17 % des zones terrestres et d'eaux intérieures d’ici 2020 dans le cadre des efforts internationaux visant à contrer la disparition alarmante des espèces animales et végétales. Soutenir le travail de conservation dirigé par les Autochtones constitue le moyen le plus efficace pour le Canada de respecter cet engagement.
À ce jour, des mesures de conservation protègent environ 11 % du territoire – et les progrès sont visibles d’un bout à l'autre du pays. Maintenant, le Canada peut prendre exemple sur un modèle qui a fait ses preuves : celui de l’Australie.
Le gouvernement australien reconnaît depuis longtemps que les peuples autochtones entretiennent des liens durables avec le territoire et le protègent en vertu de l’importante responsabilité culturelle qui leur incombe.
L’engagement de l’Australie à soutenir à long terme les aires protégées autochtones et les territoires gérés par les Autochtones a fait progresser considérablement la conservation en plus d'engendrer des retombées positives majeures sur le plan social et économique. En effet, au cours de la dernière décennie, les nouvelles aires protégées autochtones ont constitué la part la plus importante de l’augmentation de la superficie des terres protégées dans ce pays, permettant à l’Australie d’atteindre son objectif de conserver 17 % de son territoire d’ici 2014.
Grâce au Fonds de la nature du Canada et au financement de projets pilotes des gardiens autochtones, le Canada pourrait réaliser des gains semblables. De nombreuses nations autochtones s’affairent à proposer de nouvelles aires à protéger et les programmes des gardiens autochtones assurent déjà l’intendance de plusieurs cours d’eau et territoires dans l’ensemble du pays. Le maintien et l’élargissement de ces investissements entraîneront des avantages plus diversifiés dans tout le Canada.
Au moment où le Canada s’apprête à mettre de l’avant des initiatives d'envergure, une délégation de gestionnaires autochtones des terres de l’Australie arrivera au Canada en février afin de participer à un échange de connaissances. Ils se rendront à Yellowknife, à Ottawa et à Victoria pour discuter avec des décideurs politiques et des leaders autochtones du succès retentissant des programmes qu’ils ont mis en place.
LE MODÈLE AUSTRALIEN : LES AVANTAGES AVÉRÉS DES INVESTISSEMENTS DANS LA CONVERSATION PAR LES AUTOCHTONES
Les aires protégées autochtones constituent près de 45 % du système national de parcs et de terres conservées de l’Australie. Grâce à des partenariats entre des propriétaires fonciers autochtones et le gouvernement du Commonwealth, on compte maintenant 75 aires protégées autochtones couvrant plus de 68 000 km2 de zones terrestres et maritimes.
Les aires protégées autochtones (APA) ressemblent à des parcs nationaux, toutefois, elles sont gérées localement par des groupes autochtones par l’entremise du programme « Working on Country » (Travailler sur le territoire). En vertu de ce programme, des contrats gouvernementaux permettent de financer 118 équipes de rangers autochtones qui protègent leur territoire et veillent à la sauvegarde de leur culture en se fondant sur des méthodes traditionnelles et sur la science occidentale.
De 2007 à 2023, le gouvernement australien a investi 840 millions de dollars (CAN) dans les programmes des rangers autochtones. Ce montant comprend un soutien aux rangers autochtones de près de 240 millions de dollars (CAN) annoncé dans le budget fédéral de l’année dernière.
Ces investissements se traduisent par des économies réelles pour les contribuables. Une étude commandée par le ministère du premier ministre et du Cabinet démontre que chaque dollar investi dans les programmes de rangers autochtones et dans les aires protégées autochtones génère jusqu’à 3 $ sous forme d’avantages sociaux, économiques et culturels, ce qui comprend la diminution des dépenses en aide au revenu, en coûts de santé et en frais de justice.
Les études révèlent que les programmes des rangers entraînent des changements véritables au sein des familles et des communautés. Dans le cadre de ces programmes, il est possible de suivre des formations professionnelles et de gagner un bon salaire. Ils permettent par ailleurs aux jeunes de trouver un sens à leur vie et de nouer des liens plus profonds avec les aînés et avec leur culture, en plus d’encourager un mode de vie actif qui contribue à améliorer les déterminants de santé publique. Les recherches confirment que ces retombées positives entraînent une diminution de la toxicomanie, de la violence familiale et des taux d’incarcération.
L’année dernière, le gouvernement s'est engagé à financer l’établissement de cinq nouvelles APA qui devraient couvrir près de 14 000 km2 – deux fois la taille de la Tasmanie. La superficie des aires protégées autochtones sera alors supérieure à celle de l'état de la Nouvelle-Galles du Sud.
LE CANADA PEUT S’ATTENDRE À DES AVANTAGES SEMBLABLES
Au Canada, des investissements durables dans les aires protégées autochtones et dans les programmes des gardiens autochtones généreraient des retombées semblables : une plus grande superficie de terres conservées, des communautés autochtones plus fortes ainsi que davantage d'eau propre et des terres plus vivantes pour tous les Canadiens.
Plusieurs initiatives récentes ont permis de renforcer les partenariats conclus entre les gouvernements et les nations autochtones.
Avec les provinces et les territoires, le Canada s'est engagé à conserver au moins 17 % des terres d'ici 2020.
Dans le cadre du Fonds de la nature du Canada annoncé en 2018, le gouvernement fédéral a consacré 175 millions de dollars à la réalisation de cet objectif, assorti d’un engagement ferme à travailler avec les communautés autochtones. Plusieurs de ces communautés souhaitent créer des aires protégées autochtones gérées par l’entremise des programmes des gardiens autochtones.
En 2017, le gouvernement fédéral a par ailleurs investi 25 millions de dollars dans un programme pilote des gardiens autochtones.
Cette reconnaissance accrue de l'intendance autochtone s’est traduite par de nouveaux gains en matière de conservation, notamment la création en 2018 de l’aire protégée/réserve nationale de faune d'Edéhzhíe Dehcho, une étendue de 14 249 km2 de forêt boréale et d'eaux propres à l'ouest de Yellowknife. La nouvelle aire protégée sera gérée dans le cadre d'un partenariat entre le Service canadien de la faune et les gardiens autochtones Dehcho K'ehodi, qui détiennent à la fois un savoir traditionnel et une formation fondée sur la science occidentale.
Plus d’une quarantaine de programmes des gardiens autochtones assurent déjà la protection de différents territoires traditionnels. Parmi ceux-ci, on compte le programme des gardiens de Haida Gwaii, sur la côte ouest, en vigueur depuis 1981. Les gardiens patrouillent sur la côte, veillent sur les forêts et gèrent les sites culturels. De plus, ils administrent conjointement avec Parcs Canada la réserve de parc national Gwaii Haanas et le site du patrimoine haïda.
Comme en Australie, les APA et les programmes des gardiens au Canada proposent un modèle de protection de la culture autochtone fondé sur le vaste savoir traditionnel et les compétences environnementales approfondies des peuples autochtones. Ce modèle crée des emplois et de la croissance économique tout en générant des bénéfices sociaux et en matière de santé.
Les auteurs du rapport « Working on Country » se sont penchés en 2016 sur deux programmes des gardiens autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest. Leur étude conclut que chaque dollar investi dans ces programmes a déjà généré environ 2,50 $ sous forme d’avantages sociaux, économiques, culturels et environnementaux. Selon les chercheurs, le soutien apporté par un réseau national permettrait à la valeur de chaque dollar investi d’atteindre jusqu’à 3,70 $.
L’Initiative de leadership autochtone et la Campagne internationale pour la conservation boréale parrainent une visite de gestionnaires autochtones des terres de l’Australie qui se rendront dans plusieurs villes du Canada. À Ottawa, à Victoria et à Yellowknife, ils rencontreront des gardiens autochtones et des représentants gouvernementaux pour échanger des connaissances et consolider le soutien envers un financement de base à long terme pour la création d’APA avec la participation des gardiens autochtones.
Pour en savoir plus sur les expériences de l’Australie et du Canada :