L’investissement fédéral dans la conservation dirigée par les Autochtones génère des retombées importantes

Par Valérie Courtois

Au moment où le pays s’affaire à protéger au moins 17 % du territoire d’ici 2020, il peut s'inspirer d’un modèle qui a fait ses preuves : celui de l’Australie, où les peuples autochtones agissent à titre de partenaires dans la protection du territoire. L’Australie a annoncé un investissement supplémentaire de 250 millions de dollars (AUD) pour soutenir les rangers autochtones dans leur participation à la gestion du patrimoine culturel du pays – ce qui comprend un vaste réseau d’aires protégées autochtones.

Ces nouveaux fonds – qui s’ajoutent au financement existant – témoignent des résultats probants de ces programmes. Au Canada également, de tels investissements dans les aires protégées autochtones et dans les programmes des gardiens autochtones généreraient des bénéfices importants : davantage de terres protégées, des communautés autochtones plus fortes, de l'eau propre et des terres plus vivantes pour tous les Canadiens.

L’Australie a investi des centaines de millions de dollars dans les programmes des rangers autochtones afin de protéger un patrimoine naturel et culturel d’importance, de surveiller la biodiversité et de gérer les incendies de forêt. Mention de sour…

L’Australie a investi des centaines de millions de dollars dans les programmes des rangers autochtones afin de protéger un patrimoine naturel et culturel d’importance, de surveiller la biodiversité et de gérer les incendies de forêt. Mention de source : Parks Australia

Les Australiens profitent des avantages concrets de ces programmes.

Les aires protégées autochtones constituent près de 45 % du réseau de parcs nationaux et de terres conservées de l’Australie. Grâce à des partenariats conclus entre des propriétaires fonciers autochtones et le gouvernement du Commonwealth, 75 aires protégées autochtones couvrant plus de 68 000 km2 de terres et d’étendues d'eau ont été créées.

La plupart de ces aires protégées sont gérées par des rangers autochtones. Les peuples autochtones ont établi un lien durable avec le territoire qu’ils estiment devoir protéger conformément à leur responsabilité culturelle. Le gouvernement australien a compris que la gestion autochtone de ces territoires l’aiderait à atteindre ses objectifs relatifs aux aires protégées autochtones. À compter de 2007, il a investi environ 618 millions de dollars (AUD) sur 10 ans dans les programmes des rangers. Ce nouvel investissement de 250 millions de dollars (AUD) financera 118 équipes de rangers jusqu’en 2021.

Des chercheurs ont pu quantifier les retombées importantes de cet investissement. Selon une étude commandée par le ministère du Premier ministre et le Cabinet, chaque dollar investi dans ces programmes génère 3 $ en avantages sociaux, économiques et culturels.

J’ai eu l’honneur de me rendre en Australie à deux reprises pour y rencontrer les rangers autochtones et apprendre d’eux. J’ai aussi pu constater ce que peut apporter un programme financé adéquatement, notamment ses effets sur la capacité des peuples autochtones d’assumer leur responsabilité culturelle envers le territoire.

Ils ont parlé de la fierté qu’ils ressentent à protéger le territoire au bénéfice des générations futures et des résultats exceptionnels d’une approche combinant le savoir autochtone et la science occidentale. Ils ont précisé que le travail sur le territoire renforçait les liens avec la culture et avec les aînés.

De nombreux gardiens autochtones avec qui j'ai travaillé au Canada tiennent un discours semblable. Et les programmes des gardiens génèrent ici des retombées comparables. Des chercheurs rapportent que chaque dollar investi dans deux programmes des gardiens autochtones des T.-N.-O. génère 2,50 $ en valeur sociale, culturelle, économique et environnementale. Avec un financement suffisant, ce rendement pourrait atteindre 3,70 $ pour chaque dollar investi.

En 2014, une délégation de rangers autochtones de l’Australie sont venus dans les Territoires du Nord-Ouest canadiens pour échanger avec des gardiens autochtones et d’autres responsables de la gestion des terres. Mention de source : Patrick&nbs…

En 2014, une délégation de rangers autochtones de l’Australie sont venus dans les Territoires du Nord-Ouest canadiens pour échanger avec des gardiens autochtones et d’autres responsables de la gestion des terres. Mention de source : Patrick O'Leary

Comme en Australie, il arrive fréquemment que les gardiens autochtones au Canada assurent la gestion d’aires protégées autochtones. C’est le cas des gardiens dénés Ni Hat'ni qui gèrent le territoire du projet de réserve de parc national Thaidene Nene et des gardiens haïda qui gèrent la réserve de parc national et site du patrimoine haïda Gwaii Haanas. D’autres nations autochtones sont impatientes de protéger leur territoire. Mais elles ont besoin de soutien.

Soutenir la conservation dirigée par les Autochtones permettra au Canada de progresser vers son objectif de protéger au moins 17 % du territoire d’ici 2020. Le budget fédéral rend compte de l’importance d'établir des partenariats avec les peuples autochtones pour atteindre les objectifs de conservation. Financer l’élaboration de plans d’aménagement du territoire et d’autres mécanismes utiles aux communautés dans la protection du territoire renforcera cette collaboration. 

Parallèlement, le gouvernement du Canada a investi 25 millions de dollars dans le budget de 2017 pour la mise sur pied d’un projet pilote de Réseau national des gardiens autochtones. C'est un bon début. Mais pour réaliser le plein potentiel des programmes des gardiens partout un pays, un financement beaucoup plus important sera nécessaire.

L’exemple australien démontre que les investissements à long terme dans la conservation dirigée par les Autochtones permettent de protéger de vastes étendues de terres et d'eaux en plus de renforcer les communautés. Le Canada doit maintenant faire preuve d’un leadership semblable.

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