Un rapport le confirme : les peuples autochtones peuvent aider le Canada à atteindre ses objectifs internationaux en matière de conservation
Par Valérie Courtois
Partout au pays, les gouvernements autochtones travaillent à la création d’aires protégées qui protégeront les animaux, les plantes, les terres et les eaux pour les générations à venir. Nos nations entretiennent des liens durables avec ces endroits. En les protégeant, elles s’acquittent de leur responsabilité culturelle envers le territoire. Un nouveau rapport le confirme : la conservation dirigée par les Autochtones peut aider le Canada à respecter ses engagements en matière d’intendance du territoire.
Le Canada s’est engagé à conserver au moins 17 % des terres et 10 % des eaux marines d’ici 2020. Il peut y arriver en s’associant aux peuples autochtones et en reconnaissant leurs aspirations à l'égard du territoire.
Ce rapport fait partie d’un processus national visant à déterminer les différentes options pour y parvenir. Il a été rédigé par le Cercle autochtone d’experts (CAE), lancé dans le cadre de l’initiative « En route vers l'objectif 1 » du gouvernement du Canada. Cette approche de gestion, dirigée conjointement par Catherine McKenna, ministre d’Environnement et Changement climatique et Shannon Phllips, ministre dEnvironnement et Parcs de l’Alberta, vise à permettre au Canada d’atteindre l’objectif de protéger au moins 17 % du territoire. Un rapport à venir du Comité consultatif national contribuera également à définir la voie à suivre.
Le rapport du CAE met l'accent sur les gains importants en matière de conservation réalisés grâce aux aires protégées autochtones — des endroits où les gouvernements autochtones jouent un rôle de premier plan dans la définition et la gestion des territoires protégés. Ces endroits abritent d’importantes populations de caribous, de saumons et d’orignaux ainsi que des rivières et des lacs non pollués. Les peuples autochtones peuvent y vivre selon leurs coutumes et traditions et tous les Canadiens y jouissent des avantages que procurent des terres en santé.
Les aires protégées autochtones sont établies en collaboration avec les gouvernements du Canada. Elles peuvent être désignées à titre de parc national ou tribal ou de réserve d’espèces sauvages. Quel que soit le nom officiel, ce sont les gouvernements autochtones qui prennent alors l'initiative en matière de conservation. D’un bout à l’autre du continent, les exemples abondent:
Au cours d’un processus d’aménagement du territoire, le gouvernement régional Kativik a désigné le Parc national Tursujuq, à l’est de la baie d’Hudson, à titre de zone à protéger. Ce parc, qui a vu le jour en 2013 à la suite d’efforts conjoints des gouvernements inuit et québécois, est maintenant administré par le gouvernement régional Kativik.
Dans le nord de l'Ontario, la Première Nation Moose Cree veille sur le bassin hydrographique nord de la rivière des Français selon ses propres lois et bénéficie du soutien d’entreprises forestières, de scientifiques, de groupes de conservation et de milliers de Canadiens. Si le gouvernement provincial se montre lui aussi favorable et finalise le processus, la Première Nation Moose Cree et l'Ontario pourront œuvrer conjointement à la protection de ce territoire.
À environ 185 kilomètres à l'est de Yellowknife, la Première Nation des Dénés de Lutsel K'e participe au projet de création de la réserve de parc national de Thaidene Nëné en partenariat avec les gouvernements de la Couronne. La Première Nation s'est assurée que ce territoire sera géré par des gardiens autochtones qui surveilleront la qualité de l'eau et veilleront sur les espèces sauvages et les sites culturels.
De nombreuses nations autochtones souhaitent faire de même. Mais elles ont besoin d’un soutien accru. Le rapport de la CAE réclame un financement additionnel pour l’aménagement du territoire autochtone — un processus au cours duquel les communautés autochtones définissent les zones à protéger et celles où l'exploitation des ressources est autorisée. Un financement ciblé de ces processus permettra aux nations autochtones de définir l’avenir de leurs territoires et de créer plus d'aires protégées.
Le document souligne par ailleurs l’importance des partenariats entre les gouvernements autochtones et ceux de la Couronne, ainsi qu'avec les groupes de conservation de la nature, l’industrie et les institutions philanthropiques. Le rapport reconnait aussi la contribution de l’intendance autochtone à long terme.
Ces recommandations soulignent le rôle important que peuvent jouer les peuples autochtones pour aider le Canada à atteindre ses cibles de conservation. Le gouvernement s'est montré favorable à ce leadership autochtone. Il a demandé au Cercle d'experts autochtones de tracer la voie à suivre en plus de souligner les partenariats avec les gouvernements autochtones prévus dans le cadre des investissements en conservation du Budget fédéral de 2018.
La population canadienne voit elle aussi d’un bon oeil l'expression de ce leadership. Selon un sondage mené par Earnscliffe Strategy Group en novembre pour le compte de la Boreal Songbird Initiative et de la Schad Foundation, 74 % des Canadiens sont favorables à ce que les communautés autochtones créent et assurent la gestion des aires protégées et de conservation autochtones.
Il est temps de célébrer et d’investir dans ces initiatives de conservation qui donnent des résultats. Le financement des programmes des gardiens autochtones permet à un plus grand nombre de communautés d’élaborer des plans d’aménagement du territoire et à davantage de gardiens autochtones de gérer le territoire en s'appuyant sur la science et sur la sagesse des aînés. En fin de compte, davantage de caribous, de saumons, de forêts et de zones de toundra seront protégés.