Deux rapports de l’ONU sur la biodiversité réclament un rôle accru des peuples autochtones
Par Frank Brown
Les Nations Unies ont publié deux rapports qui soulignent l’importance du leadership des peuples autochtones dans la préservation de notre planète. Ces rapports, qui font état de la fragilité des écosystèmes naturels, mettent en évidence ce que les peuples issus des territoires savent depuis toujours : tout est interrelié. Si nous épuisons toutes les ressources naturelles, nous hypothéquons notre propre avenir. Mais si nous interagissons de manière plus réfléchie avec le monde naturel, les êtres vivants qui peuplent les terres et les eaux, comme le hareng, le saumon, le caribou et l’orignal survivront – pas uniquement pour nous, mais pour les générations à venir.
Ces vérités fondamentales ont fait émerger des solutions prometteuses en matière de protection de la biodiversité. Partout au pays, les nations autochtones établissent des aires protégées autochtones qui servent de refuge à divers animaux et plantes. Elles gèrent des programmes des gardiens autochtones qui permettent de protéger les terres et les eaux.
Ces initiatives dirigées par les Autochtones sont devenues un exemple à suivre pour le Canada et un cadeau pour le monde entier.
Ces programmes constituent notre meilleure chance de léguer à nos petits-enfants une planète qui pourra les nourrir et les aider à grandir. En plaçant la conservation dirigée par les Autochtones au centre de sa stratégie en matière de biodiversité, le Canada peut contribuer à la conservation du territoire de manière à répondre aux besoins de la nature et des populations humaines. En mettant en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones au Canada, nous pouvons délaisser des modèles coloniaux de conservation de la nature au profit d’approches plus respectueuses et plus équitables qui favorisent la réconciliation.
Je suis originaire de Bella Bella, sur la côte du Pacifique. C'est un endroit magnifique, où règne une grande biodiversité. C’est aussi un carrefour où se côtoient les cultures de différentes Premières Nations. Pourtant, même ici, nous constatons des signes alarmants – les populations de saumon déclinent, le thuya géant est menacé de disparition et les océans deviennent de plus en plus acides. Mais les systèmes de connaissances des peuples autochtones, qui ont évolué au fil de centaines de générations, nous aident à surmonter ces difficultés.
C'est pourquoi les chercheurs des Nations Unies appellent à un plus grand respect et à un plus grand soutien du rôle des peuples autochtones dans la conservation.
Un rapport sombre qui souligne toutefois l'apport des gardiens autochtones
Le premier des deux rapports, les Perspectives mondiales de la biodiversité des Nations Unies, présente un bulletin sur les efforts internationaux en matière de protection de la biodiversité. La conclusion est simple : les pays échouent dans la plupart des domaines. Et si le rapport fait état de nombreuses réussites, celles-ci ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il appelle les pays à déployer à plus grande échelle les mesures efficaces, en augmentant par exemple la superficie des aires protégées et en renforçant le rôle des peuples autochtones dans les stratégies de protection de la biodiversité.
Le rapport souligne la contribution des gardiens autochtones. Plus de 70 programmes des gardiens autochtones assurent la gestion des terres et eaux partout au Canada. Les gardiens jouent un rôle d’intendance. Ils sont en quelque sorte les yeux et les oreilles des nations sur le territoire. Ils rétablissent les espèces animales et végétales, assurent la gestion des aires protégées et surveillent les projets d’exploitation des ressources. Les gardiens travaillent sur le territoire, où ils recueillent des données qui permettront d’élaborer des stratégies pour contrer la perte de biodiversité et les changements climatiques. Le Canada a investi 25 millions de dollars dans un projet pilote de Réseau national des gardiens. Un financement additionnel permettra à davantage de nations autochtones de lancer leur propre programme des gardiens.
La conservation dirigée par les Autochtones prend un nouvel élan au Canada
Étant donné le rôle central des peuples autochtones et des communautés locales dans le maintien de la biodiversité, les Nations Unies ont publié un rapport complémentaire intitulé Perspectives locales de la diversité biologique. Le rapport révèle que notre incapacité à reconnaître la contribution essentielle des peuples autochtones et des communautés locales à la conservation est l’une des principales raisons pour lesquelles la communauté internationale n'a pas atteint ses objectifs en matière de biodiversité.
Il appelle à ce que les cultures et les droits des peuples autochtones et des communautés locales soient au cœur de la prochaine série de stratégies en matière de biodiversité. Il exhorte les gouvernements et les autres groupes à soutenir les efforts déployés par les peuples autochtones et les communautés locales pour protéger leurs terres et leurs eaux et garantir leurs droits d'occupation et leurs droits coutumiers.
Le rapport présente des exemples de réussite, dont plusieurs proviennent de nations autochtones au Canada. Il souligne la réussite de Pimachiowin Aki, dans les forêts boréales du Manitoba et de l'Ontario, où quatre Premières Nations anishinaabe – Bloodvein River, Little Grand Rapids, Pauingassi et Poplar River – ont dirigé les efforts menant à la création, en 2018, d’un site de 29 040 kilomètres carrés inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce rapport souligne également l’objectif de la nation crie de protéger 30 % de leur territoire traditionnel, constitué de 80 000 km2 de forêt boréale et de milieux humides vierges.
De plus, les auteurs font remarquer que le Canada a financé la création de plus de 25 aires protégées et de conservation autochtones en 2019. Si le Canada place la conservation dirigée par les Autochtones au cœur de sa stratégie de la biodiversité, il pourra préserver encore plus de terres et d'eaux.
Ces rapports des Nations Unies sont un appel à l'action. En établissant des ACPA et des programmes des gardiens, les nations autochtones affirment leur responsabilité inhérente à l'égard de la terre, de l’eau et des ressources naturelles. Nos alliés, y compris les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, doivent maintenant renouveler leur engagement et investir à long terme dans ces initiatives.
La pandémie, les incendies de forêt et les inondations sont autant de signes que nous devons faire mieux. Nous devons travailler tous ensemble pour apporter les changements réels nécessaires à la santé de nos générations futures.