Un vent de fierté et de guérison un an après la création de l’aire protégée autochtone de Thaidene Nëné
Par Steven Nitah
Il y a un an, la Première Nation des Dénés de Lutsel K’e a conclu une entente avec les gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest afin de protéger 26 376 km2, un territoire connu sous le nom d’aire protégée autochtone Thaidene Nëné. Le travail n’a cessé depuis. La nation a embauché des gardiens autochtones pour veiller sur ce territoire et investit plus de 500 000 $ dans les entreprises locales pour l’achat d’embarcations et d’équipement de recherche. Ces derniers temps, nous avons accueilli des visiteurs du Nord qui préfèrent passer des vacances dans la région pendant la pandémie et nous nous affairons à préparer pour l’hiver un chalet de pêche acheté récemment.
Ces activités ont fait naître quelque chose de puissant. Elles ont redonné aux habitants de Lutsel K'e un sentiment de fierté et d’appartenance. Nous nous sentons à la fois heureux d’accomplir notre devoir en veillant sur Thaidene Nëné et rassurés de savoir que ce territoire sera protégé pour toujours. Nous sommes également reconnaissants que les efforts de notre nation ayant mené à la création de Thaide Nëne aient été récompensés cette année du prestigieux Prix Équateur du Programme des Nations Unies pour le développement – une première au Canada.
Nous savons que Thaidene Nëné fait partie d'un mouvement plus large de conservation dirigée par les Autochtones – un mouvement qui redéfinit les relations entre les gouvernements autochtones et les gouvernements de la Couronne, et entre les gens et le territoire.
L’entente que nous avons signée l'année dernière en est une illustration. La Première Nation des Dénés de Lutsel K'e, le gouvernement du Canada et le gouvernement des T.N.-O. ont entamé les négociations à titre de partenaires égaux, chacun définissant ses rôles et ses responsabilités. Historiquement, le Canada concevait un programme destiné aux peuples autochtones et il en assurait la mise en œuvre. Cette fois, nous avons cocréé une entente que nous gérerons conjointement.
Le Canada profite de ce modèle. Dans le cadre des efforts internationaux de protection de la biodiversité, il s'est engagé à protéger 25 % des terres d'ici 2025. Thaidene Nëné – l'une des plus grandes aires protégées au pays – permet au Canada d’avancer plus rapidement vers l’atteinte de cet objectif. Cette entente démontre aussi que le Canada peut viser haut et devenir un leader mondial de la conservation en établissant des partenariats respectueux avec les nations autochtones partout au pays. À titre d’exemple, le gouvernement a financé cette année plus de 25 demandes de création d’aires protégées et de conservation autochtones et les projets dirigés par des Autochtones comptent pour la plus grande part des initiatives financées par le Fonds de la nature.
Les peuples autochtones profitent eux aussi des retombées de cette nouvelle approche. À titre de partenaire à parts égales dans la création des aires protégées, les nations autochtones peuvent intégrer aux ententes cette responsabilité envers le territoire. Nous devenons responsables de nos actions auprès de nos membres, de nos aînés, de nos jeunes et des générations futures.
De cette façon, nous mettons un frein à la politique d'assimilation qui a empêché les peuples autochtones de s’acquitter de cette responsabilité envers leurs familles, leurs communautés et leurs territoires. Lorsqu’on vous retire cette forme de responsabilité, on vous prive de votre estime de soi. On crée les conditions qui engendreront tristesse et traumatismes pendant des décennies.
Thaidene Nëné permet d’amorcer une guérison. En concluant une entente juridique avec les gouvernements, le peuple de Lutsel K’e assume à nouveau avec fierté cette responsabilité. Voilà le visage concret de la réconciliation – elle se vit en partenariat, sur le territoire.
Aujourd'hui, les membres de Lutsel K'e s’affairent à rédiger un plan de gestion de l'aire protégée. Et contrairement aux anciens plans de gestion des parcs nationaux, celui-ci incorporera la vision du monde et les lois des Dénés. Les Dénés de Lutsel K'e savent que nous appartenons à la terre, mais que la terre ne nous appartient pas. C'est pourquoi le plan sera axé sur la gestion de la relation des gens avec le territoire, plutôt que sur la gestion du territoire lui-même. Il en va de même dans les aires protégées et de conservation autochtones de tout le pays, où le savoir autochtone est façonné par le territoire lui-même.
Les aires protégées et de conservation autochtones offrent un modèle de gestion de la relation entre le monde et La Terre, notre mère.
Le peuple de Lutsel K'e est fier de partager ses connaissances et de faire partie du mouvement qui réclame un leadership autochtone sur le territoire. Un an après avoir accueilli les dirigeants fédéraux et territoriaux, les scientifiques et les responsables de la conservation à la cérémonie de signature de Thaidene Nëné, notre message reste le même : visitez notre territoire, profitez de sa beauté, apprenez de notre relation avec lui et aidez à honorer la responsabilité de veiller sur ce territoire.
Steven Nitah a été le négociateur principal de la Première Nation des Dénés de Łutsël K’e lors de la création de Thaidene Nëné. Il est également un leader principal de l'Initiative de leadership autochtone.