Le mouvement des gardiens autochtones prend forme aux États-Unis
Par une belle soirée de printemps, des centaines de personnes se sont réunies dans le bâtiment communautaire de Wexliem, sur le territoire de la nation Lummi, pour une fête du saumon. Bientôt, les Blackhawk Dancers de la nation Lummi ont insufflé un vent de jeunesse, au son des joueurs de tambour Puyallup et Heiltsuk. Après avoir remis des cadeaux, les présentateurs ont accueilli un groupe d’invités spéciaux : des dizaines de représentants de nations tribales venus assister à l’événementExploring Indigenous-led US Guardianship Gathering.
« Nous sommes honorés d’être dans cette belle maison, a déclaré Valérie Courtois, directrice générale de l’Initiative de leadership autochtone, l’une des organisations ayant participé à la tenue de l’événement. Nous avons entrepris de bâtir un mouvement qui œuvre à l’affirmation de la nationalité autochtone par l'exercice de l’intendance autochtone dans ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de Canada. Aujourd’hui, nous sommes ravis de nous associer à nos frères et sœurs partout sur l’île de la Tortue. »
Les programmes des gardiens autochtones font leur apparition aux États-Unis, et de nombreuses nations tribales sont impatientes de lancer leur propre initiative. Forts de ce mouvement grandissant en faveur de l’intendance autochtone aux États-Unis et inspirés par les mouvements semblables au Canada et en Australie, les participants ont évalué la possibilité de mettre sur pied un réseau destiné à soutenir les programmes d’intendance tribale aux États-Unis et à favoriser les liens entre ces programmes.
« Des nations autochtones souveraines sont à l’avant-plan des efforts visant à restaurer nos écosystèmes et à nous rendre tous plus résilients face aux nombreux changements qui surviennent, a déclaré Joel Moffet, de l’organisation Native Americans in Philanthropy. La création d’un réseau des gardiens aux États-Unis aura des effets durables sur le renforcement des capacités au sein de nos communautés tribales. »
Le rassemblement de trois jours a réuni des moments de connexion, de partage et de rire, et a permis de donner une impulsion au mouvement. Des gardiens du Igiugig Village Council, des Tlingits, des Haïdas et des Yupiks en Alaska se sont joints aux intendants de Na Moku Aupuni O Ko’olau Hui à Maui, de la Bears Ears Coalition dans le Sud-Ouest, de la nation des Pieds-Noirs dans le Montana et de bien d’autres encore. Plus de 60 leaders et partenaires autochtones ont participé au rassemblement.
Un cercle de partage des connaissances
L’événement a commencé par une cérémonie. Les participants se sont rassemblés sur une plage pour assister à l’arrivée des canots de la tribu Puyallup. Ils ont ensuite célébré l’ouverture des expositions Sacred Journey (parcours sacré) et Bakvla au Coast Salish Institute (Institut des Salish de la côte) et ont terminé la journée par une fête communautaire en compagnie des organisateurs de la nation Lummi.
Ces activités ont ouvert la voie à des conversations fructueuses. Assis et formant un grand cercle, les participants ont échangé sur la situation dans leur territoire respectif. Nombre d’entre eux sont confrontés à des défis comparables, qu’il s’agisse des effets des changements climatiques ou des limites de la cogestion. Mais plusieurs participants ont également fait part de retombées positives semblables de l’intendance dirigée par les Autochtones, qui permet de protéger le territoire, de favoriser le lien entre les gens et leur culture, de contribuer à leur guérison, de susciter l’espoir et d’offrir des possibilités aux jeunes.
« Nous rêvons d’abondance, d’un endroit prospère et magnifique, a déclaré Olan Leimomi, membre des Mālama Pūpūkea-Waimea à O’ahu. Les peuples autochtones savent déjà que c’est possible, car nous vivons ainsi depuis des temps immémoriaux. »
Renforcer la nationalité autochtone
Les participants ont beaucoup discuté du rôle essentiel des programmes des gardiens pour sortir de la colonisation et réaffirmer la souveraineté. Les gardiens contribuent à redéfinir la notion d’intendance en combinant le savoir, la langue, le droit et la culture autochtones avec la science occidentale. Ces programmes aident les nations à se doter de la capacité d’assumer leurs responsabilités à l’égard leurs territoires traditionnels.
Les leaders de l’ILA ont réitéré le lien entre l’intendance et la souveraineté. « Au Canada, nous avons constaté que la conservation dirigée par les Autochtones constitue l’expression contemporaine de notre identité nationale, a déclaré Miles Richardson, O.C., leader principal à l’ILA. Notre peuple peut se tenir debout par lui-même. Nous naissons souverains. Ce n’est pas quelque chose que l’on négocie. »
Les participants ont convenu qu’en dépit de la reconnaissance croissante du leadership autochtone par les pouvoirs publics et les organisations philanthropiques privées, il reste encore beaucoup à faire. « Il faut mettre un terme à la relation paternaliste avec les bailleurs de fonds, a déclaré Frank Brown, leader principal à l’ILA. Nous établissons les modalités de la conservation dirigée par les Autochtones. Nous avons la responsabilité de protéger ces terres pour les générations futures. Nous collaborerons et nous sommes ouverts au partage, mais à certaines conditions. »
Les avantages d’un réseau
De nombreux participants ont affirmé qu’il leur a fait du bien de parler, d’échanger et de s’encourager mutuellement. Ils sont d’avis qu’un réseau permettra de poursuivre ces discussions à l’échelle régionale et nationale. « En Alaska, les initiatives en cours donnent déjà de bons résultats, a déclaré Hannah-Maria Garcia, du Indigenous Sentinels Network. Comment faire pour collaborer de façon à soutenir les programmes déjà en place? Le fait de communiquer est un bon début. »
Les participants ont également discuté de la manière dont un réseau favoriserait l’échange de connaissances, la formation et les projets de collaboration en matière de politique et de communication. Un tel réseau aiderait également les nations tribales à obtenir un financement à long terme.
Fawn Sharp, ancienne présidente du National Congress of American Indians et ancienne présidente de la Quinault Indian Nation, a souligné l’importance cruciale d’un financement à long terme. « Nous savons que 5 % de la population – les populations autochtones – veillent sur 80 % de la biodiversité mondiale. À l’inverse, je dirais que nous atteignons des résultats 400 % plus élevés, avec peu ou pas de ressources. Imaginez ce que nous pourrions faire avec des investissements conséquents! »
Prochaines étapes
À la fin du rassemblement, les participants ont discuté des façons de poursuivre les efforts visant à mettre en place un réseau national d’intendance aux États-Unis. Parmi les prochaines étapes suggérées, citons la tenue d’un rassemblement plus important à l’automne et des initiatives de collaboration transfrontalière entre les nations voisines des États-Unis et du Canada.
La forme que prendra le réseau résultera d’un effort de collaboration dirigé par les Autochtones. Les organisateurs, un petit groupe d’ONG et de bailleurs de fonds ont réitéré leur engagement à jouer un rôle de soutien secondaire. Les nations tribales, les leaders, les directeurs des programmes d’intendance et les gardiens dicteront les priorités et détermineront la voie à suivre.
Vers la fin du rassemblement, Dana Wilson, de la nation Lummi, a offert à chacun une boîte de saumon qu’il a préparée avec son petit-fils. « Les Lummi sont des pêcheurs, a-t-il expliqué, mais ils peuvent maintenant pêcher tous les trois ou quatre ans seulement, lorsque la montaison est bonne. Jadis, nous vous aurions offert des caisses de saumon, a-t-il déclaré. Lorsque vous ouvrirez cette boîte, rappelez-vous qu’elle est précieuse. Et prenez conscience de l’impact bien réel du travail que vous accomplissez. Avec ce cadeau en main, poursuivez ces discussions. »