Participer aux décisions : Les gardiens du Bouclier des Pieds-Noirs aident àprotéger le territoire et la culture

Membres du programme des gardiens du Bouclier (Shield Keepers), représentants du Bureau de préservation historique de la tribu des Pieds-Noirs devant le Ninaistako. Mention de source : Darrell Hall

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5 août 2024
Ninaistako, connu sous le nom de Chief Mountain en anglais, s’élève au-dessus du confluent où les Plaines du Nord rencontrent les Rocheuses. Le peuple des Pieds-Noirs veille sur le Ninaistako depuis des milliers d’années. Aujourd’hui, un groupe d’intendants tribaux connu sous le nom des Shield Keepers (gardiens du Bouclier) aident leur peuple à honorer cette responsabilité. Pendant les chauds mois d’été, ces gardiens sont à pied d’œuvre sur le Ninaistako, où ils mènent des études environnementales sur le pâturage des bisons en compagnie d’étudiants du Blackfeet Community College, font de la cartographie GPS et protègent les sites cérémoniels situés au pied de la montagne.

« Essentiellement, être un gardien du Bouclier, c’est être présent sur le territoire, dans la communauté, auprès des bisons, affirme Darrell Hall. Nous travaillons à rétablir le mode de vie des Pieds-Noirs ».

Le programme des gardiens du Bouclier est l’un des nombreux programmes d’intendance dirigés par les tribus qui voient le jour partout dans ce que l’on appelle aujourd’hui les États-Unis. Ces initiatives, souvent appelées programmes des gardiens, aident les nations tribales à veiller sur leurs territoires traditionnels en s’appuyant sur les connaissances, les lois et les langues autochtones en combinaison avec la science occidentale. Elles permettent aux nations de rétablir et d’exercer leurs responsabilités souveraines inhérentes envers les terres et les eaux.

« Les gardiens doivent participer aux décisions qui touchent l’élaboration des politiques par les organismes gouvernementaux. C’est très important. Les gardiens du Bouclier discutent avec les Aînés et intègrent leur savoir dans les travaux d’élaboration des politiques. Ils sont un atout précieux pour les gouvernements qui mènent des consultations auprès des tribus. »

 – Lona Running Wolf

Emmette Dusty Bull s’est jointe au programme des gardiens cette année. « Comme gardiens du Bouclier, nous ne nous contentons pas d’accomplir le travail sur le terrain. Nous participons également aux décisions. Qu’il s’agisse de rétablir les populations de bison, de revitaliser les langues ou la culture, ou encore d’entretenir des relations de gouvernement à gouvernement, nous avons notre mot à dire. »

Les populations de bisons, leur rétablissement et la guérison

Les bisons sont au cœur de notre travail. Le territoire traditionnel des Pieds-Noirs s’étend à l’ouest de la ligne de partage des eaux, à l’est des plaines du Montana et au nord de l’Alberta. Des millions d’iinnii (bisons) parcouraient autrefois ces terres, et la relation entre les Pieds-Noirs et les iinnii a permis de nourrir des familles et d’enrichir la culture, la langue et les cérémonies pendant des millénaires.

Pourtant, après les vagues de colonisation, on estime qu’il ne restait qu’environ 300 iinnii à l’état sauvage à la fin du 19 e  siècle. Malgré les ravages causés par le colonialisme, les Pieds-Noirs n’ont jamais cessé de lutter pour honorer les iinnii et maintenir leur lien culturel avec la terre et les animaux.

En 2023, les gardiens du Bouclier ont contribué à faire en sorte que les Pieds-Noirs deviennent la première nation autochtone à rapatrier des bisons en liberté dans leur habitat d’origine. Mention de source : Darrell Hall

La Nation des Pieds-Noirs a travaillé pendant des années pour ramener les iinnii dans leur territoire d’origine. En 2023, elle a fait une percée en relâchant 25 bisons sauvages du parc national d’Elk Island au Canada, une harde qui descend des derniers bisons restants sur le territoire des Pieds-Noirs. Les Pieds-Noirs sont ainsi devenus la première nation autochtone à rapatrier des bisons en liberté dans leur habitat d’origine. Les gardiens du Bouclier à cette réintroduction de ces bisons dans leur habitat sauvage.

Cette initiative, menée grâce au leadership des Pieds-Noirs, s’est révélée être une forme d’expression de leur souveraineté. L’intendance soutenue des bisons continue quant à elle de favoriser la revitalisation de la culture, des communautés et du territoire des Pieds-Noirs.

« Beaucoup de nos Aînés se sentent liés aux bisons, car les Pieds-Noirs ont été regroupés et placés dans des réserves, et les bisons ont été mis dans des pâturages, explique Darrell Hall, un gardien du Bouclier. Ils ont tenté de se débarrasser du bison et de l’Indien. Aujourd’hui, nos coutumes reviennent en force, tout comme les bisons.

La boucle est bouclée, déclare Darrell. Nous vivons à une époque où nous pouvons être fiers d’être Pieds-Noirs. »

Protéger le territoire et la culture

Lorsque les bisons sauvages ont été remis en liberté l’année dernière, ils ont été amenés à Ninaistako, et les gardiens du Bouclier continuent de surveiller la zone. Ninaistako est sacré pour les Pieds-Noirs et, pendant de nombreuses années, les non-membres de la tribu n’y ont pas été autorisés. Récemment, ce territoire a attiré des étrangers qui ont laissé des déchets, pris des égoportraits au sommet des sites dédiés au jeûne et ont publié sur les médias sociaux des informations sur l’accès aux sentiers.

« Des gardiens du Bouclier sont présents dans cette zone maintenant, affirme John Murray, responsable de la préservation du patrimoine tribal et membre du conseil d’administration de l’organisation Blackfeet ECO Knowledge. Les gardiens du Bouclier élaborent des politiques et collaborent avec des représentants du parc national des Glaciers à la mise en place d’une signalisation et à l’élaboration d’activités éducatives. »

« Une activité centrale des gardiens du Bouclier est de se rendre dans les écoles pour parler du savoir des Pieds-Noirs. Je dis aux élèves qu’on nous appelait autrefois les Seigneurs des Plaines (Lords of the Plains), et leurs yeux s’illuminent. »   

– Darrell Hall

Les gardiens du Bouclier travaillent en étroite collaboration avec le Blackfeet Tribal Historic Preservation Office (Bureau de préservation historique de la tribu des Pieds-Noirs) et cet été, ils ont participé au rapatriement d’une vaste collection de chemises de guerre, d’insignes, de ballots, de coiffes, de boucliers et d’autres objets cérémoniels.

« Ces objets sont si anciens qu’ils portaient en eux une énergie très puissante. Mais nous sommes parvenus à les ramener sur leur territoire d’origine, déclare Darrell, membre de l’équipe des gardiens du Bouclier. Ces objets nous aideront à démontrer à notre peuple que nous possédons un mode de vie et une histoire qui nous sont propres. Je l’appelle l’école du savoir des Pieds-Noirs, où nous apprenons ce que nous devrions déjà savoir. »

C’est une bonne chose que notre peuple renoue avec cette connaissance de notre mode de vie. La transmission des coiffes des Pieds-Noirs est en cours et nous ouvrons la voie à nos jeunes. » Les gardiens du Bouclier appuient la revitalisation de la culture. Mention de source : Darrell Hall

Travailler avec des partenaires gouvernementaux

Pour préserver la culture et le territoire traditionnel des Pieds-Noirs, les gardiens du Bouclier collaborent avec divers partenaires. La réserve des Pieds-Noirs se trouve à côté de terres revendiquées par le Service des parcs nationaux et le Service des forêts, deux organismes gouvernementaux qui, au long de leur histoire, ont expulsé les populations autochtones et fait fi des droits issus des traités. Aujourd’hui, la Nation Pieds-Noirs noue des relations avec ses voisins respectueux de leur souveraineté.

Les Pieds-Noirs, par exemple, détiennent des droits issus de traités réservés dans le parc national des Glaciers et sont en train de rédiger des ententes prévoyant une cogestion avec les responsables du parc. Des responsables du parc national de Waterton, situé juste au nord de la frontière canadienne, travaillent également avec les Pieds-Noirs, notamment à trouver une avenue pour faire en sorte que les bisons sauvages de la Nation puissent entrer et sortir du parc sans entrave.

« Les gardiens doivent participer aux décisions qui touchent l’élaboration des politiques par les organismes gouvernementaux. C’est très important, estime Lona Running Wolf, directrice générale des projets de l’organisation Blackfeet ECO Knowledge. « Les gardiens du Bouclier discutent avec les Aînés et intègrent leur savoir dans les travaux d’élaboration des politiques. Lorsque l’élaboration des politiques ne s’appuie pas sur notre vision du monde, les gardiens trouvent des façons de surmonter les obstacles et de susciter le changement. Voilà leur travail aux tables décisionnelles. Ils sont un atout précieux pour les gouvernements qui mènent des consultations auprès des tribus. »

Les organismes fédéraux reconnaissent de plus en plus la valeur de ce savoir. Le Service national des pêches et de la faune (National Fish and Wildlife Service) a demandé à s’associer aux Pieds-Noirs à l’occasion d’un prochain atelier de formation culturelle qui réunira des Aînés et des représentants de plusieurs nations. Les gardiens du Bouclier participent à la planification et à l’organisation de la formation afin que les fonctionnaires fédéraux puissent en apprendre davantage sur la manière de travailler avec les nations tribales.

« Je suis heureuse que nous puissions présenter le projet au Service des pêches et de la faune, confie Emmette Dusty Bull. Les participants pourront se former leur propre idée de ce que nous sommes en tant que peuple Piikani. »

En plus d’exercer une surveillance environnementale au Ninaistako, les gardiens du Bouclier protègent les sites cérémoniels qui ceinturent la montagne. Mention de source : Darrell Hall

Donner une impulsion au mouvement

La formation estivale n’est qu’un des nombreux projets prévus par les gardiens du Bouclier, qui vont de l’augmentation du nombre de remises en liberté de bisons à la réalisation de nouvelles études environnementales. Ils espèrent également collaborer avec d’autres nations tribales qui mettent en place des programmes d’intendance, dont certains s’inspirent d’initiatives semblables menées par les Premières Nations au Canada. « Nous sommes ravis de participer à réaliser ce rêve : stimuler la création d’un plus grand nombre de programmes des gardiens », se réjouit Lona Running Wolf.

Pendant ce temps, les gardiens du Bouclier continuent de protéger le territoire et la culture des Pieds-Noirs et de la préserver pour l’avenir. « Une activité centrale des gardiens du Bouclier est de se rendre dans les écoles pour parler du savoir des Pieds-Noirs, estime pour sa part Darrell Hall. Je dis aux élèves qu’on nous appelait autrefois les Seigneurs des Plaines (Lords of the Plains), et leurs yeux s’illuminent. Ils sont très fiers d’entendre cela. C’est une bonne chose que notre peuple renoue avec ce savoir. Nous sommes en train de tracer une bonne voie pour nos jeunes. »

« Ils ont tenté de se débarrasser du bison et de l’Indien. Aujourd’hui, nos coutumes reviennent en force, tout comme les bisons. » Mention de source : Darrell Hall

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